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Lettre de Joseph Heraud à sa famille

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Rochefort Sanson, le 9 novembre 1914

Chez parents,

Je ne reçois plus de nouvelles, les jours derniers j’ai reçu une paire de bas de laine où il y avait deux tablettes de chocolat et du papier à lettres avec enveloppes, mais je ne sais pas d’où ça vient, vous m’avez pas répondu à ma dernière lettre que j’avais fini au crayon.

On nous a vacciné hier au soir au sérum contre la fièvre typhoïde et nous avons deux jours de repos et obligé de rester dans notre cantonnement.

Il y a quelques jours, on a choisi 90 par compagnie pour faire partir les premiers, je suis été nommé dans le 90 celui de Chas reste, nous autres, la première compagnie, nous partons samedi pour aller à Chambéry, mais je ne sais pas si ça sera pour longtemps. Hier, j’ai reçu une lettre de ma tante de Bromont qui était en bonne santé. Le jour de la Toussaint, on a travaillé tout le jour. J’ai reçu des nouvelles de mes tantes d’Aulnat qui étaient en bonne santé. Alfred de Chauriat m’a écrit ses journées, il était en très bonne santé.

Ici, depuis le 13 d’octobre, il passe pas un jour sans pleuvoir, mais il n’a point fait de neige comme à Bromont, s’il fait le même temps chez nous, vous devez pas pouvoir travailler dans les champs, ramasser les pommes de terre et ensemencer les blés, les vendanges doivent être finies maintenant.

Bénoni s’est-il apprit à monter à vélo ? Il n’a peut-être pas bien le temps. Aussi, plus grand-chose à vous dire pour le moment, quand vous m’écrirez de nouveau, vous pourrez adresser votre lettre à Chambéry en mettant sur l’enveloppe « classe 1914 ».

Je vous écris de sur mon sac, couché dans la paille.

En attendant le plaisir de vous revoir, recevez, très chers parents, mes amitiés les plus sincères, ainsi qu’un baiser de votre fils, frère et neveu.

Héraud Joseph

Lettre de Joseph Heraud à sa famille

 

Chambéry le 19 novembre 1914

Chers parents

Je tarde pour vous écrire mais on nous a vacciné le 17 pou la troisième fois, nous avions bien repos mais nous avons pas l’envie d’écrire car ce espèce de vaccin rend malade ; pas le corps, comme le bras qu’on peut pas s’en servir. Tous ceux qui sont restés, on nous a mis dans la 14ème compagnie à commencer par des gradés blessés de l’active qui sont guéris maintenant et qui vont repartir au feu avec nous.

Je suis toujours avec les mêmes du pays, nous sommes assez bien nourris mais pas très bien couchés. On a une paillasse, une couverture et notre manteau qu’on met comme couverture on se réchauffe mais on se déshabille pas encore, depuis le 30 septembre qu’on couche avec les habits. Il n’a pas encore fait de la neige, mais il gèle tout le jour. Je ne sais pas quand nous partirons. Quand je le saurais je l’écrirais de suite si je pars et ça sera peut être ces jours ci, j’en sais rien. Je me suis fait photographier, 5 francs les 6, on m’a donné une grande qui doit avoir 20 sur 30 de tour que j’enverrai ces jours-ci toute seule car on ne peut pas la mettre dans une lettre. Je vous envoie une des petites. Plus grand-chose de nouveau.

En attendant le plaisir de vous revoir, recevez mes amitiés les plus sincères. Votre fils, frère et neveu qui vous embrasse bien fort.

J’ai reçu ici que la lettre recommandée que Benoni m’a écrit. J’ai reçu des nouvelles ces jours-ci d’Aulnat et de Bromont. Je vous écris avec de l’encre rouge qu’un copain m’a donné lorsqu’il est parti car je l’aurai pas acheté.

Lettre de Joseph Heraud à sa famille

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Chambéry le 9 décembre 1914

Chers parents

Je profite ce soir qu’on a repos aujourd’hui, le général a décoré deux lieutenants (Chevalier de la légion d’honneur) qui avaient été blessés. Tout le bataillon y a assisté et a présenté les armes.

Le général nous a fait un petit discours et nous a dit que le boche nous appelait « les loups noirs » et qu’il fallait, si on rentrait chez eux, de se montrer féroce comme les loups, car les boches tuaient la plupart du temps femmes et enfants et malgré la grande loyauté du français, il fallait faire comme eux.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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J’ai vu sur la décision, il vient 600 de la classe 15 mais il en vient point du recrutement de Clermont. J’ai vu aussi que la classe 14 n’était pas suffisamment instruite sur maniement du fusil et y’en a beaucoup qui ont leur fusil pour « service en campagne » et pour les tranchées, elle est instruite autant que les autres classes.

 Ordre du général Joffre, cela pourrait peut être, mais pas sûr, nous laisser passer quelques jours de plus ici ce qui nous ferait pas déplaisir car on a bien toujours le temps d’y aller.

Ici, il fait toujours beau temps et ne gèle plus guère les nuits. Nous faisons des exercices de nuit et ce soir on en fait un autre, et demain marche de 27 à 30 kilomètres, sac complet. Ici, y’a moyen de boire quelques bouteilles blanc et rouge, 8 sous, et n’est pas mauvais.

J’ai reçu le passe-montagne que ma tante Bromont m’a envoyé, le dernier. Je n’ai pas su des nouvelles du premier, peut-être qu’il a été volé, j’en sais rien.

Je suis pour le moment en très bonne santé, j’espère que ma lettre vous trouve tous de même. En attendant le plaisir de vous revoir, recevez, très chers parents, mes amitiés les plus sincères.

Votre fils, frère et neveu qui vous embrasse bien fort.

Héraud Joseph

Vous m’excuserez, car je ne vois pas bien clair.

Je fais partir ma lettre le 10, j’ai appris que un de ma classe est déjà tué, et un autre blessé, et c’est sûr qui y’en a davantage et la guerre n’est pas finie encore. Vous direz que j’ai reçu la carte d’Alphonse, un bonjour à tous les parents.

Lettre des "tantes d'Aulnat" (religieuses?)

 

J. M. J

Aulnat, le 21 janvier 1915

Mes biens chers parents,

Nous partageons bien votre peine au sujet de ce pauvre petit, je lui ai écrit dimanche dernier, je lui écris encore aujourd’hui, je lui mets une carte et une enveloppe avec mon adresse, afin qu’il n’ait qu’à mettre un mot. De plus, je mets mon adresse sur son enveloppe afin que la lettre, si elle ne le trouve pas, me soit retournée. Il faut toujours bien prier.

Ici, nous n’avons guère le temps, nous avons 18 convalescents dont 16 amputés du bras ou de la jambe, 1 qui ne peut doubler le genou et un joli nègre de 21 ans qui a passé la fièvre. Il veut retourner au front, c’est un volontaire, il vient de la Guadeloupe, parle français. Comme il a tous ses membres, il nous aide un peu. Nous avons 2 adjudants, 2 sergents et 1 caporal, 2 du Puy-de-Dôme. Les gradés ne valent pas beaucoup de monnaie, ils n’ont pas voulu aller à la messe aujourd’hui, il y’en avait 11 sur 18. Ce n’est pas étonnant que le bon dieu nous écrase.

Nos anciens soldats viennent de recevoir l’ordre de partir, demain je pense. Plusieurs sont en permission aujourd’hui, ils vont être joliment attrapés en rentrant, ils nous manquerons bien, ils nous donnaient le café pour tous les malades et nous trempaient la soupe matin et soir, ils nourrissaient nos bêtes.

Le général est venu jeudi, ce n’était pas pour des prunes, les convalescents ne se font pas de bile, ils sortent toute la journée, ils se promènent avec leurs béquilles, on leur paye à boire et à manger.

Nous avons reçu les pommes, elles sont bien belles. J’ai vu Marie Meyzonnier vendredi, elle m’a donné des nouvelles de ma sœur. Les Fleury ont resté une fois 31 jours sans nouvelles de leur soldat. Maria lui écrivait tous les 3 ou 4 jours, il recevait les lettres mais ne pouvait pas écrire. Lorsque vous saurez quelque chose, écrivez-nous. Il nous tarde bien d’avoir des nouvelles, je crois qu’il va se donner un coup terrible, il en sort des obus des Gravanches.

Nos pauvres soldats ont de la peine de s’en aller, ils avaient passé 2 mois bien tranquilles, ils ne savent pas où ils sont. Je crois qu’il ne restera que les estropiés. Fleury part pour Riom le 1er mars, bientôt on ne verra plus d’hommes, et dire qu’on ne le comprend pas. Monsieur le Curé est venu hier au soir, il lui tarde beaucoup de rentrer chez lui. Nos malades sont ce soir visités l’usine de Bourdon.

Quand vous aurez des nouvelles des cousins de Chauriat, vous nous en donnerez. Bien des choses pour nous à tous les parents.

Le boucher Parent ne parle pas de Joseph, il n’est plus au même endroit. Ce n’est pas un homme bien parlant.

Je vous quitte mes biens chers parents, en vous disant toute notre affection.

Votre tante dévoué S. M. Vitaline

Louis Degoile (?)

Lettre de Maria à Joseph (mort le 20 janvier,lettre renvoyée?)

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Egliseneuve, le 26 janvier 1915

Mon bien cher frère

Je m’empresse de répondre à ta lettre que nous attendions avec impatience car il nous tardait d’avoir de tes nouvelles. As-tu reçu les deux dernière lettres que nous t’avions envoyé, nous les avions adressé toujours à Chambéry puisque nous n’avions pas d’autres adresses. Le temps est long quand on est sans nouvelles. Ne te fais pas trop  de mauvais sang, prends bien toutes les misères avec patience pour nous nous ferons tout ce que nous pourrons pour toi. Tu as raison de dire qu’ici c’est triste, on ne voit plus de jeunesse comme autrefois, tout le monde a envie de pleurer plus que de rire. Ces jours-ci il s’est fait de terribles batailles dans le Nord, à Soisson, jusqu’ici nous n’avons pas de manquant dans le village. Baptiste a écrit samedi dernier, il n’est pas trop mal, ils ne peuvent pas se plaindre ; Joseph est toujours dans l’Oise, il a écrit samedi aussi et Alphonse a écrit aujourd’hui, il était avec Louis* qui a été versé à Grenoble dans les chasseurs alpins. Tous les autres donnent assez régulièrement de leur nouvelles jusqu'à présent; on a célébré les offices d’enterrement de Dussol** du Coudert la semaine dernière.

Ici voilà quinze jours que nous avons la neige, c’est la saison, il ne faut pas se plaindre, mais il faudrait vous savoir à l’abri : ils se plaignent beaucoup de l’eau ceux du nord. Si tu as besoin de quelque chose soit du linge soit pour manger ou bien de l’argent tu n’as qu’à nous le dire, nous te l’enverrons tout de suite. Nous avons été voir Layer( ?) il y a huit jours, il est reparti le lundi, il nous a donné tes molletières.

Je te dirai aussi que nous avons fini de battre les gerbes la semaine dernière et maintenant ils cassent du bois  jusqu'à ce qu’ils pourront ressortir de nouveau pour aller bêcher pour les pommes de terre. Cette semaine nous allons faire notre huile, nous avions trié ensemble avec les oncles Pireyre. Des réformés, il en est pas encore parti.  Aujourd‘hui nous avons vendu notre gros mouton 46 fr., cela commencera à nous débarrasser nous en avons encore 20 grosses ou petits. Bien des choses de tous les parents, nous sommes tous en bonne santé pour le moment. Écris-nous le plus souvent possible que tu diras bien des choses À A… si tu as l’occasion de le voir. Plus grand-chose pour le moment, ta sœur qui t’aime et prie tous les jours pour toi et t’embrasse bien affectueusement pour tous, bon courage et bon espoir.

Maria Herault

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Louis* : Louis Degoile (?)

Dussol** : Antoine, mort le 3/12/1914 dans les Vosges ( ?)

Lettre de Maria à Joseph (mort le 20 janvier,lettre renvoyée?)

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Egliseneuve, le 9 février 1915

Mon bien cher frère

Voilà bientôt trois semaines que nous attendons de tes nouvelles mais nous en recevons pas et nous sommes bien en peine, nous ne savons à quoi penser. Lundi nous avons cherché celui d’Espirat pour voir s’il avait écrit. Sa lettre était du 31 janvier et la tienne dernière est du 17 janvier. Nous ne savons aucun détail il disait qu’il remontait dans leur tranchée.

Fait-il bien froid, as-tu assez de linge, des bas, de l’argent et pour manger si tu as besoin de quelque chose dis-le nous dans tes lettres.

Ici nous sommes en bonne santé et j’espère que ma lettre te trouvera de même. Il ne fait pas trop mauvais pour la saison. Nous avons eu des nouvelles des tantes d’Aulnat la semaine dernière, elles vont prendre des blessés dans leur maison. Le 4 février on a passée la révision,  on les a à peu près tous pris, il n’y a que Chomette et l’autre de Train qui ont été ajourné. Degoile a été pris  Grimard / au 99 territorial à Clermont/. Degoile est parti lundi, on a enterré son père la semaine dernière. On a enterré aussi il y a quinze jours le père d’Angèle Vacher qui est mort  d’un accident, il est tombé dans sa grange, il s’est fracturé la tête et il  a vécu une semaine.

Tous les soldats du village écrivent assez souvent et nous prions bien pour que tous vous reveniez. Il faut bien vous recommandez à la Sainte Vierge, on peut faire cela sans quitter les autres.

Je crois que bientôt nous allons avoir des réfugiés dans la commune, toutes les communes voisines en ont. Que c’est-il malheureux de voir ce pauvre monde sans rien pas même du linge. La plupart sont des Belges qui ne comprennent pas notre français.

Dans tes lettres tu nous donneras des nouvelles de tes camarades, si les lettres se perdent, on sait toujours des nouvelles.

Bien des choses de tous les parents.

Ta sœur qui t’aime et t’embrasse pour tous.

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Maria Héraud

Capitaine R de la Tour (sur l'enveloppe)

3 avril 1915

 

Monsieur

Je retrouve dans ma poche votre lettre. Je ne sais si j’y ai déjà répondu ayant été très occupé et répondant à tant de demandes que je ne me rappelle plus lesquelles sont restées en souffrance.

Le chasseur Héraud a été tué le 20 janvier en se portant bravement à l’assaut de la ligne ennemie dans la région de l’Harmannsweilerkopf.

Il reçut une balle en pleine tête et fut tué sur le coup. Sa mort est vengée. Nous avons depuis repris le sommet et enlevé la position devant laquelle il tomba pour la France.

Recevez Monsieur avec mes plus vives condoléances mes salutations distinguées.

De gauche à droite: Maria,

les parents ( Jean et Marie), Bénoni.

Joseph n'est déjà pas sur la photo...

Benoni, en tenue de zouave

Lettre de Benoni à sa famille

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Chamaret le 14 mai 1916

Je m’empresse de faire réponse à votre lettre du 11 que j’ai reçu hier avec plaisir. Je suis toujours en bonne santé et je pense que ma lettre vous trouvera tous de même. Ici nous sommes pas trop mal logé (dans des maisons) nous avons des lits en bois une paillasse un matelas des draps deux couvre pieds. Seul la nourriture a changé on a beaucoup moins à manger que à Sathonay nous avons que une demi boule par jour le matin il n’y a rien que le café. J’ai reçu mes photographies cette semaine mais il aurait été préférable de faire faire des cartes postales elle sont un peu plus grandes on m’en a fait une douzaine et deux grandes. Ici il fait très beau on a bien commencé de faner on nous dit que à la Pentecôte nous aurons peut être une permission de quatre jours. Ce matin nous avons été de corvée toute la matinée le capitaine a passé dans les cantonnements cette semaine on commence de nous faire monter la garde.

Plus grand chose pour le moment en attendant le plaisir de nous revoir votre fils frère et neveu qui vous embrasse bien fort.  

                                           Héraud Be

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